La fin des petites exploitations familiales

Au début du XXe siècle, l’agriculture à Seur était encore largement dominée par des exploitations familiales de petite taille. Les fermes utilisaient des méthodes traditionnelles, souvent transmises de génération en génération. Les outils étaient rudimentaires : la charrue, tirée par des chevaux ou des bœufs, rythmait le travail des champs. Les cultures principales étaient alors le blé, indispensable à l’autosuffisance alimentaire, ainsi que les vignes, omniprésentes dans le Loir-et-Cher.

Après la Seconde Guerre mondiale, un bouleversement majeur a lieu : les petites exploitations commencent à disparaître, remplacées par des exploitations de plus grande taille. Ce phénomène, lié à l’exode rural et à l’industrialisation, pousse de nombreux agriculteurs à vendre ou regrouper leurs terres. Entre 1950 et 1980, la taille moyenne des exploitations dans le Loir-et-Cher double, passant de 10 à 20 hectares en moyenne (source : INRA).

Ce changement a eu un impact visible sur Seur. Là où l’on trouvait auparavant des enclos et des parcelles séparées par des haies et des chemins creux, les paysages se recomposent. Les parcelles s’agrandissent, les haies disparaissent, tout cela au détriment de la biodiversité locale. C’est une transformation qui a marqué visiblement le territoire dans son apparence et dans sa vie quotidienne.

La mécanisation et l’arrivée de la modernité

Un autre facteur marquant du XXe siècle a été l’arrivée des machines agricoles. À Seur, comme dans le reste des campagnes françaises, cette révolution mécanique a bouleversé les méthodes de travail. Les premières moissonneuses-batteuses arrivent dans les années 1950-1960. Avec elles, les travaux des champs, autrefois longs et pénibles, deviennent plus rapides et moins dépendants de la météo.

Parallèlement, les tracteurs remplacent les chevaux de trait, relégués progressivement au rang de souvenirs d’un passé agricole. Les habitants de Seur relatent parfois la fascination qu’exerçait l’arrivée d’un tracteur dans une ferme voisine. C’était un événement marquant pour le village, souvent accompagné de démonstrations où les voisins se réunissaient pour observer ces "monstres de fer" à l’œuvre.

Cette mécanisation n’a pas seulement transformé les champs. Elle a également influencé le quotidien des agriculteurs en leur permettant de consacrer plus de temps à d’autres activités ou à sociabiliser, mais elle a aussi contribué à une certaine désertification humaine des campagnes. De plus en plus de fermiers se sont installés en ville, laissant la place à des exploitants plus mécanisés.

Un glissement vers la monoculture et l’intensification

Le XXe siècle marque également, pour Seur, une transition dans la production agricole. Si les débuts de ce siècle étaient encore placés sous le signe de la polyculture – où chaque ferme produisait céréales, légumes et élevait des animaux – les décennies suivantes s’orientent vers des monocultures intensives. Ce phénomène est visible partout dans la Beauce et le Val de Loire, mais on le retrouve aussi dans les petites communes comme Seur.

Les blés et les céréales deviennent alors des cultures dominantes, spécialement après les années 1960, aidées par les soutiens de la Politique Agricole Commune (PAC) européenne et les subventions pour les cultures productives. L’utilisation des engrais chimiques et des pesticides se généralise, augmentant les rendements, mais faisant naître de nouvelles inquiétudes face à la pollution des sols et des cours d’eau. Sur ce point, la Loire et ses affluents, comme le Beuvron – qui passe non loin de Seur – en ont subi les conséquences.

Les vignes, autrefois caractéristiques du territoire de Seur, voient leur superficie diminuer drastiquement. Des petites propriétés viticoles cèdent la place aux champs de céréales. Ce recul de la vigne illustre un changement profond dans l’identité agricole de la région, où les productions à vocation commerciale prennent le pas sur les productions anciennes et locales.

Les conséquences sociales et culturelles

Ces transformations ne concernent pas seulement l’économie ou les paysages. Elles influencent également les relations sociales et la culture locale. Autrefois, Seur était un village où la vie s’organisait autour de l’entraide entre petits fermiers. Les moissons, les vendanges et la tonte des moutons étaient autant d’occasions de travailler ensemble. Les fêtes agricoles rythmaient la vie du village, et les échanges entre familles créaient un tissu social fort.

Avec l’agrandissement des exploitations et l’usage croissant des machines, ce lien social s’effrite. Les agriculteurs, moins nombreux, œuvrent de plus en plus seuls sur leurs grandes parcelles. Cette évolution crée une certaine nostalgie parmi les habitants plus âgés, qui se rappellent les ginguettes de vendange, les repas collectifs en fin de journée et les sorties au marché qui rythmaient autrefois la semaine.

Par ailleurs, cette industrialisation agricole participe aussi à l’exode rural. De nombreuses familles quittent Seur pour aller chercher du travail en ville. Entre 1950 et 1980, la population de Seur diminue notablement (source : INSEE), laissant certaines maisons en partie abandonnées. C’est une période où le village connaît un certain déclin économique et démographique.

Une ouverture vers des pratiques nouvelles

Cependant, tout n’est pas resté figé ou tourné vers le passé. À la fin du XXe siècle, des initiatives pour réintroduire des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement commencent à voir le jour dans le Loir-et-Cher. Seur n’échappe pas à cette dynamique.

Le retour de l’agriculture biologique, les circuits courts et les AMAP (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) se développent lentement mais sûrement. Ces initiatives viennent répondre aux critiques de l’agriculture intensive et à l’intérêt croissant des citoyens pour une alimentation locale et saine. À Seur, plusieurs maraîchers bio et éleveurs engagés participent aujourd’hui à faire revivre une agriculture de proximité, renouant avec une partie de l’histoire agricole du village.

De tels changements traduisent une quête d’équilibre entre modernité et préservation du patrimoine rural. Ils montrent comment, malgré les bouleversements du XXe siècle, l’âme agricole et humaine de Seur peut se réinventer sans oublier ses racines.

Vers un avenir entre tradition et innovation

En parcourant les chemins de Seur aujourd’hui, on peut encore observer les traces du passé agricole du village : des granges anciennes, des champs aux formes géométriques, mais aussi des initiatives modernes qui réconcilient innovation et respect des traditions. Le XXe siècle a sans aucun doute laissé une empreinte profonde sur le paysage et les hommes, mais il ne faut pas oublier que Seur continue à évoluer, toujours étroitement lié à son histoire rurale.

Ces transformations, en apparence radicales, portent en elles un message passionnant : l’agriculture, loin d’être figée, est vivante, en perpétuelle adaptation aux défis de chaque époque. Et Seur, bien que modeste par sa taille, incarne parfaitement cette capacité qu’ont les territoires de s’adapter tout en restant fidèles à leur identité. Alors, la prochaine fois que vous traverserez Seur, prenez le temps de contempler ces paysages, reflets d’un siècle de mutations fascinantes.

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